Afrique du Sud

thabo mbeki.jpgThabo Mbeki évincé par l'A.N.C. 

Le président sud-africain Thabo Mbeki évincé par son parti à cinq mois des élections générales, a remis dimanche sa démission au Parlement, tandis que le pays entrait dans des turbulences sans précédent depuis la chute de l'apartheid.

 

 
J’ai écrit à l'honorable camarade Baleka Mbete (présidente du Parlement) pour lui remettre ma démission de la haute position de président de la République d'Afrique du Sud, avec effet à une date qui sera déterminée par l'Assemblée nationale", a déclaré Thabo Mbeki lors d'une allocution radiotélévisée.

"J'ai été un membre loyal du Congrès national africain pendant 52 ans.
 
Je reste un membre de l'ANC et c'est pourquoi je respecte sa décision", a-t-il poursuivi.

Le comité directeur du parti, au pouvoir depuis les premières élections multiraciales en 1994, avait retiré samedi sa confiance au chef de l'Etat, soupçonné d'avoir instrumentalisé la justice pour barrer la route de la présidence à son rival, le chef de l'ANC Jacob Zuma.

En Afrique du Sud, le président n'est pas élu par le peuple, mais par le Parlement. Tirant sa légitimité de sa désignation par l'ANC, M. Mbeki ne pouvait pas aller à l'encontre de l'appel à démissionner de son parti.

Lors d'un discours très posé, il s'est toutefois défendu de toute ingérence. "Nous avons toujours protégé l'intégrité de la justice", a-t-il déclaré. "Nous n'avons jamais porté atteinte au droit des services du procureur général d'engager des poursuites ou de ne pas en engager".

 
Jacob Zuma, que le chef de l'Etat avait renvoyé en 2005 de la vice-présidence pour sa mise en cause dans une affaire de pots-de-vin, a été inculpé dans ce même dossier fin décembre, dix jours après avoir ravi la présidence de l'ANC à M. Mbeki lors d'un congrès aux allures de coup d'Etat interne.

Le 12 septembre, un juge a prononcé un non-lieu en faveur de M. Zuma pour vice de forme.
 
Mais surtout, dans les attendus du jugement, il a évoqué des "interférences politiques" dans le dossier.

De quoi apporter de l'eau au moulin des ennemis du chef de l'Etat, au sein de la nouvelle direction de l'ANC mais aussi du parti communiste et de la confédération syndicale Cosatu, ralliés derrière le populiste et populaire Zuma.

 
Ce dernier, qui affirmait il y a peu encore ne pas souhaiter le départ du chef de l'Etat avant la fin de son mandat en avril 2009, soulignant que l'ANC n'était pas prêt, a dû se plier à la volonté de ses alliés.

Si le changement à la tête de l'Etat était attendu en 2009, la décision du comité directeur de l'ANC plonge le pays dans une "ère de grande incertitude", relève l'analyste indépendant Daniel Silke.

 
Techniquement, il revient désormais au Parlement de déterminer la marche à suivre. "Le président restera en fonction jusqu'à ce que l'Assemblée nationale accepte sa démission et fixe la date de son départ", a souligné le gouvernement dans un communiqué publié après un Conseil des ministres extraordinaire.

Mais les événements se précipitent.
 
L'ANC va "désigner demain (lundi) le prochain président par intérim de la République et il ou elle annoncera ensuite la composition de son gouvernement", a déclaré le trésorier du parti, Mathews Phosa, à la télévision publique SABC.

 
Il s'agira d'un "candidat" et ce sont les députés qui choisiront formellement le président par intérim, qui dirigera le pays d'ici jusqu'aux élections, a précisé M. Phosa, sans indiquer s'il s'agirait d'un scrutin anticipé. Le Parlement doit se réunir mardi.

 
Le président Mbeki fait les frais d'une impopularité croissante, alimentée par son attitude d'intellectuel distant et par le maintien d'une pauvreté importante dans la première puissance économique du continent.
 

Il a d'ailleurs reconnu dimanche des manques en matière de lutte contre la pauvreté, dans un pays où 43% de la population vit avec moins de deux dollars par jour en dépit de dix années de croissance soutenue, et contre la criminalité, l'une des plus élevées au monde.

 
Les journaux sud-africains n'exprimaient dimanche aucun regret pour "le Prince impitoyable" qui a, selon le Sunday Independent, alimenté le courroux de ses rivaux en menant une "politique sans pitié".

"Il était un mauvais président. Il a divisé notre pays", assène le Sunday Times.

 
"Mais les motivations de l'ANC doivent être mises en cause", poursuit son éditorialiste. "Peu importe les raisons officielles, il n'y a aucun doute sur le fait qu'ils voulaient protéger le président de l'ANC Jacob Zuma