Bref regard sur les enjeux du vieillissement de la population martiniquaise

C’est d’une première contribution à l’indispensable étude des enjeux sociétaux qui se posent à la Martinique avec le mouvement déjà commencé et annoncé du vieillissement important de sa population qu’il s’agit ici.

Au préalable, retenons que dans leurs dimensions démographiques, socio médicales et, en grande partie, médicosociales, les enjeux sur ces plans sont relativement connus. Mais, à mon avis, la prise de conscience quant à l’impact du vieillissement de la population sur le développement global de la Martinique ne s’est pas encore réellement opérée, tout au moins avec l’importance que nécessite l’ampleur de cette prochaine évolution démographique.
Comme  pour confirmer le besoin qu’il y a de connaissance des transformations liées au vieillissement de la population dans une société donnée  , le journal français Le monde dans son édition du vendredi 13 octobre 06 fait état d’une étude de l’INED effectuée sur ce même sujet pour le compte  du territoire de la France hexagonale. 
Cet exemple nous permet d’insister sur la nécessité, pour la Martinique aussi, société distincte du système français,  d’initier une telle étude.
Présentement,  je me contenterai d’introduire un certain nombre de points de la problématique socioanthropologique du processus démographique de vieillissement de la population de l’ile.
Les limites de cette communication tiennent au fait que cette analyse ne s’appuie que sur très peu d’investigations de terrain, mises à part quelques séances de mise en expression de groupes de personnes âgées durant le mois d’octobre 2006, au demeurant, tout à faites riches et éclairantes sur le sujet.
En première approximation, je voudrais surtout insister, d’une part sur le positionnement des personnes âgées en Martinique, en tant que catégorie sociale d’âge, et, d’autre part, sur l’angle  d’approche qui devrait être adopté, selon moi, pour comprendre ses caractéristiques structurelles et dynamiques.
Le groupe social des personnes âgées ne pourra être ni expliqué et ni compris, aujourd’hui et dans l’avenir proche, en ignorant quatre grandes dimensions majeures :

  • Ses caractéristiques premières de classe d’âge, c'est-à-dire de groupe sociodémographique et avec ses implications physico physiologiques, biologiques et socio économiques.
  • Son poids démographique sur l’évolution globale de l’ile et ses représentations en tant que catégorie sociodémographique, ainsi que les intérêts de groupe social qu’il captera de plus en plus.
  • Son hétérogénéité sociale interne, c-a-d les divisions sociales qui déterminent des différenciations selon les ressources et les stratégies de penser et d’agir au sein de cette classe d’âge.
  • Le champ de ses interactions avec les autres classes d’âge et les tenants et aboutissants historico culturels de son positionnement actuel et futur.

Parce que la catégorie d’âge des personnes âgées constitue un collectif d’acteurs agissant dans et sur le système sociétal martiniquais, de façon très interactive avec l’enfance et l’adolescence, la jeunesse, les primo adultes,  et les adultes confirmés, l’analyse ne peut être que de nature systémique.

Quelques hypothèses

Par rapport à cette nécessité d’une analyse systémique, je soumets ici quelques hypothèses provisoires adaptées à l’étude  de ce phénomène:

La première de ces hypothèses  repose sur le rôle de la mémoire dans la socialité des personnes âgées en Martinique en tant que cette socialité peut être considérée comme le conservatoire à la fois de leur propre culture catégorielle et, sur un mode réflexif,  de la globalité culturelle martiniquaise. Cette socialité constitue aussi  le fondement du concret de leur existence et de l’orientation de leurs liens sociaux, surtout par rapport aux individus des autres générations

La seconde hypothèse tient aux conséquences, sur les styles de vie et de pensée, du basculement du système de l’habitation à celui de la départementalisation, puis de  la double rupture qui a affecté les modalités  du passage d’abord dans les premières années de la décennie 70 à l’ère dite de la société de consommation,  puis dans les années 80, dans celle de l’hypermodernité mondialisée et de ses  logiques accélérées de marchandisation et d’urbanisation.

La troisième hypothèse prend en compte les inévitables réajustements internes et formels du groupe social des personnes âgées au sein de la société martiniquaise, et, de la place structurelle que ces personnes occupent dans les nouvelles configurations de la famille martiniquaise contemporaine.

Toutes ces hypothèses méritent bien entendu d’être validées. Mais la prise de conscience quant à la nécessité de comprendre l’impact du vieillissement de la population sur le développement global de la Martinique ne s’est pas encore réellement opérée, tout au moins avec l’importance que nécessite l’ampleur de cette prochaine évolution démographique. Elle tarde même à se faire.
Se contenter des quelques travaux disponibles montre que toutes leurs importantes significations n’ont pas été complètement saisies, car si c’était le cas, on aurait compris que ce mouvement de vieillissement de la population apparait comme un phénomène qui métamorphosera en profondeur la société martiniquaise, non seulement du point de vue socioéconomique, mais aussi, sur le plan de ses relations sociales, de sa culture et, plus concrètement encore, de sa vie sociale.
Par conséquent, envisager le développement martiniquais, sans connaitre tous les tenants et aboutissants de ce phénomène de vieillissement c’est, évidemment, amputer la validité des projections établies.