DISCRIMINATION A LA FFF : THURAM ET DUPONT-AIGNANT DENONCENT UN VRAI SCANDALE

thuram11.jpg

Deux avis diamétralement opposés
 
Dernières réactions dans l'affaire du quota de joueurs binationaux, Thuram évoque un faux problème et des préjugés, Dupont-Aignant "la nouvelle inquisition".

L'affaire du quota de binationaux envisagé par des cadres de la Fédération française de football n'en finit pas de susciter des réactions. Au lendemain de la suspension du directeur technique national François Blaquart et des excuses de Laurent Blanc, si ses propos retranscris par Mediapart ont "heurté certaines sensibilités", coup sur coup Lilian Thuram et Nicolas Dupont-Aignant ont dénoncé un "vrai scandale" mais pour des raisons tout à fait opposées. 

Pour l'ancien défenseur des Bleus qui détient toujours le record du nombre de sélections en équipe de France, l'affaire est scandaleuse, car le "problème" des jeunes joueurs ayant la double nationalité n'en est pas un et qu'il est ostensiblement question de préjugés raciaux .

 

Un faux problème selon Thuram

 

"J'ai été d'abord un peu déstabilisé, raconte Lilian Thuram. Je me suis dit que c'était faux. J'ai passé des coups de fil, à Noël Le Graët (vice-président de la FFF) et à des membres de la DTN". De là, il estime que "nous n'avons pas encore des preuves, mais il est clair que nous sommes au coeur d'un scandale".

Quand Laurent Blanc et le directeur technique suspendu François Blaquart évoquent la nécessité de limiter dans les centres de formation le nombre de jeunes recrues susceptibles d'opter au final pour une autre sélection nationale que la Française, Thuram explique qu'il s'agit d'un "faux problème, parce que les meilleurs joueurs seront retenus par la France. Ceux qui partiront seront ceux qui n'ont pas été retenus".

En d'autres termes, selon l'ancien joueur, quand ils en ont l'opportunité, les jeunes ayant la double nationalité optent généralement pour le maillot français. Quand ce n'est pas le cas, c'est qu'on n'a pas voulu d'eux, de sorte qu'il n'y a pas de "manque à gagner" pour les structures qui ont investi dans leur formation.

"Ils jouent pour quel pays Karim Benzema, Samir Nasri et Yann Mvila ?" lance Lilian Thuram à titre d'exemple. Et il ajoute : "quand vous partez avec la mauvaise analyse, à la fin vous avez forcément les mauvaises propositions".

 

Des relents d'un autre temps...

 

Au-delà de ce débat, le joueur pointe la teneur de certains propos échangés entre les cadres de la FFF lors de la réunion tenue en novembre dernier dont Mediapart a publié hier le verbatim. Il est vrai que sur fond de discussion footballistique, de "morphotype" des joueurs, d'intelligence de jeu, certaines affirmations posées comme des évidences par les techniciens du ballon rond évoquent d'autres temps.

C'est en tout cas ce que semble penser Thuram lorsqu'il s'interroge "Quand est-ce qu'on va sortir de ces préjugés sur les couleurs de peau ? Quand est-ce qu'on va arrêter de dire que lorsque vous êtes Noir, vous courez plus vite ? Que lorsque vous êtes Noir, vous êtes moins intelligent ?"

 

Une nouvelle inquisition selon Dupont-Aignant

 

Dans un registre diamétralement opposé, Nicolas Dupont-Aignant le président de Debout la République a lui aussi dénoncé ce dimanche un "vrai scandale", selon lui le fait "d'investir du temps et de l'argent dans des joueurs qui, une fois arrivés à maturité, vont faire les beaux jours d'autres sélections".

Dans son communiqué, le député de l'Essonne déclare : "l'empressement du ministère des Sports et de la Fédération française de football à mettre à pied le DTN est ahurissant. Ce dernier a tout bonnement été sacrifié sur l'autel de la bien-pensance. Voilà la dernière victime d'une nouvelle inquisition prompte à crier à tort et à travers au racisme alors même que toute l'histoire du football français est un modèle d'intégration".

Et Dupont-Aignant de s'interroger : "Mais que reproche-t-on vraiment à Blanc, Blaquart et les autres membres de la DTN ? Ils ont tout simplement cherché à privilégier les joueurs de nationalité française dans les centres de formation français. Où est la discrimination raciale ?".

Peut-être comme le souligne Thuram quand il est question des "Blacks" qui seraient privilégiés par les critères de sélections physiques actuels, mais sur ce point, Dupont-Aignant ne dit rien. Et il enchaîne accusateur : "Chantal Jouanno, qui nous parlait cet été de moralisation du football et de fierté du maillot, est une hypocrite. En tant que ministre des Sports, elle devrait être la première à soutenir cette initiative, au lieu d'agir en fonction des commentaires des bien-pensants".

 

Les déclarations de Chantal Chouanno

 

Hier sur RTL, la ministre évoquant la suspension temporaire du DTN avait déclaré que ce n'est "pas une sanction dans la mesure où il conserve son contrat de travail. Ce ne sont que ses missions de DTN qui sont suspendues pendant une période très courte puisque l'inspection et l'enquête interne doivent prendre au maximum une semaine".

"Les allégations, les propos publiés par Mediapart sont quand même assez lourds" avait-elle estimé, expliquant qu'il fallait recueillir "plus d'éléments matériels", y compris pour démontrer que les accusations du site ne sont pas fondées et s'associer à un éventuel recours en diffamation.

A l’inverse, sous réserve donc qu'ils aient été tenus, elle a jugé les propos "assez graves", de sorte qu'il n'était pas possible de "rester les bras croisés", parce que dans ce genre de polémique "si on laisse les personnes en fonction, elles sont dans la tourmente médiatique". Blaquart appréciera l'attention...

Concernant le problème que poserait le trop grand nombre de binationaux dans les centres de formation, sans se prononcer définitivement sur la question, la ministre a déclaré : " j e ne suis pas beaucoup choquée que l'on forme des personnes et qu'elles aillent jouer dans des pays amis et qu'on exporte notre savoir-faire. Cela se fait dans tous les sports. Nos joueurs de basket vont jouer en NBA et cela participe aussi au rayonnement de la France".

Certes, mais l'exemple de la ministre est sans doute un peu à côté du sujet, car si Tony Parker par exemple, formé en France, évolue dans un club étranger, il joue bel et bien pour les Bleus. A contrario, on notera que ce basketteur est né en Belgique d'un père américain et d'une mère néerlandaise, preuve s'il en faut que tous les sportifs binationaux ne s'en vont pas...

SOURCE : Métro