Du 11 juin au 11 juillet 2010

Le Mondial, un accomplissement pour l'Afrique du Sud. Dans moins d'un an, l'Afrique du Sud accueillera la première coupe du monde sur le sol africain. 

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Selon l'universitaire Peter Alegi, universitaire américain spécialiste de l'Afrique du Sud et auteur de nombreux ouvrages sur cette coupe du monde, la compétition n'aura que peu d'impact sur les classes noires pauvres.  

Dans un an, l'Afrique-du-Sud va donner le coup d'envoide la Coupe du monde de football. Pensez-vous que le pays sera prêt à temps ?

L'Afrique-du-Sud sera très certainement prête. Bien sûr,il serait injuste et irréaliste d'attendre de cette jeune démocratie, de cepays émergeant avec un taux de pauvreté de 50%, un tournoi du type de celuiorganisé par les Allemands en 2006. Cela étant dit, face à des attentesraisonnables, l'Afrique-du-Sud peut être à la hauteur et offrir un tournoi quirestera dans les mémoires.

En Afrique-du-Sud, historiquement, le football est lesport des Noirs, et le rugby le sport des Blancs. Est-ce que ce tournoi a unsens particulier pour la communauté noire ?



Pour les Noirsd'Afrique-du-Sud, je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que lefootball est une religion. Dès lors, il y a, pour ce peuple récemment libéré,une énorme charge symbolique et émotionnelle dans le fait d'organiser le plusgrand événement sportif mondial. Avoir réussi à imposer sa candidature, etpouvoir donner le meilleur de soi pour organiser la Coupe du monde, c'est uneforme d'accomplissement pour les Sud-Africains.



Quelles seront les retombéeséconomiques et politiques de la Coupe du monde ?

La Coupe du monde peut être envisagée principalementcomme un projet national ayant pour but d'utiliser la culture universelle dufootball pour renforcer le prestige et la crédibilité de l'Etat-nationsud-africain et de ses leaders politiques. En cas de succès, cela pourraitcontribuer à battre en brèche des mythes et les stéréotypes négatifs à proposde l'Afrique et des Africains, mais aussi à promouvoir la marque"Afrique-du-Sud" comme une destination touristique moderne, démocratiqueet ouverte au business...

Mais mes recherches me font aussi dire aussi que ladécision du gouvernement sud-africain d'investir des sommes considérables dansla Coupe du monde 2010 et le développement des infrastructures qui y sont liéesa plus bénéficié à des entreprises de construction et des conglomératsappartenant historiquement aux Blancs plus qu'aux petites PME ou auxtravailleurs ordinaires. La construction des stades est un bon exemple de lamanière dont la Coupe du monde privatise les profits en faisant peser les coûtssur la société.

Qui va profiter de la Coupe du monde ? Les classes lesplus pauvres profiteront- elles des retombées ?

La préparation de 2010 montre comment l'adhésion del'Afrique du sud au capitalisme globalisé n'a pas atténué l'héritage douloureuxde l'apartheid : racisme, pauvreté répandue et extrêmes inégalités. Au lieu decela, les premiers éléments semblent montrer que l'organisation de la Coupe dumonde n'a que très peu amélioré le niveau de vie de la plupart descitoyens et particulièrement des plus pauvres.

Tenue à l'écart de l'élaboration des stratégies et duprocessus de réalisation, la très grande majorité des Sud-Africains serontprobablement réduits à exercer une " citoyenneté culturelle ": ayant subventionné la construction des stades et d'autres dépenses liées à laCoupe du monde, mais bien incapables de pouvoir se payer un billet pour leMondial, les classes ouvrières noires vont être réduites à suivre la compétitionparquées dans des " fan parks" approuvés par la FIFA et étroitementsurveillés par la police.

Faut-il s'inquiéter des questions de sécurité?

Le taux important de criminalité ne devrait pas affecterles touristes étrangers trop fortement. En général, les stades et les hôtels nesont pas implantés dans les townships où se concentrent le plus lacriminalité à cause de la pauvreté et d'autres facteurs. Des mesures de sécuritéparticulières seront prises dans les transports. Enfin, le gouvernement va déployerdes milliers de policiers pour assurer la sécurité autour des sites. Au vu de toutcela, je ne pense pas que la sécurité ait un impact sur le tournoi et spécialementsi le bon sens l'emporte.

Peter Alegi, professeur à l'Université du Michigan au départementd'histoire. Il est notamment l'auteur de Laduma! Soccer, Politics and Societyin South Africa et de A nation to bereckoned with': the politics of world cup stadium construction in Cape town andDurban, South Africa.

Propos recueillis par Anthony Hernandez

In Le Monde