Les deux derniers écrivains à la rejoindre avaient été Tahar Ben Jelloun et Patrick Rambaud, en 2008. Régis Debray est un "très bon écrivain, un penseur, qui a toute sa place à l'académie Goncourt", estime Bernard Pivot. "Beaucoup de membres de l'Académie française auraient souhaité qu'il les rejoigne sous la Coupole, mais il a toujours refusé. Nous sommes d'autant plus fiers de l'accueillir parmi nous", sourit l'ancien animateur du mythique Apostrophes. "Il sait lire et surtout lire à table !" renchérit avec humour Patrick Rambaud. "Nos déjeuners du mardi seront encore plus sympathiques", dit-il, rappelant que Régis Debray avait une année manqué le Goncourt d'une voix.
Chaque année, l'académie décerne en novembre, dans son QG du très chic restaurant Drouant à Paris, le plus illustre des prix littéraires français, le Goncourt, qui a couronné en 2010 Michel Houellebecq pour La carte et le territoire (Flammarion) dans une frénésie médiatique. Ce n'est pas la seule récompense attribuée par ses dix membres. Le 1er février, ils remettront ainsi le Goncourt du premier roman. Né en septembre 1940, l'élection de Régis Debray ne rajeunit ni ne féminise ce distingué cénacle, qui ne compte aujourd'hui que trois femmes.
"Danton"
Mais l'ex-guérillero, normalien, agrégé de philosophie et homme de conviction, en dynamisera sûrement encore les débats. Lui qui cultive la nostalgie d'un monde lettré et s'alarme de ce qui se joue de nos jours sur la Toile et dans la vaste vidéosphère. Il a d'ailleurs publié l'an dernier Éloge des frontières (Gallimard), une attaque en règle contre la mondialisation et la "dilution dans l'universel". En 2003 était paru Le feu sacré, qui l'anime toujours. Ce mardi, il lance aussi dans Le Monde avec six historiens, dont Pierre Nora et Jacques Le Goff, un appel au président de la République afin qu'il ne "brade" pas l'Hôtel de la marine, "lieu chargé d'histoire" situé place de la Concorde et sur le point d'être loué. Régis Debray avait soutenu le Front de gauche aux élections européennes de 2009.
Parmi ses plus célèbres engagements, celui aux côtés de Che Guevara : en 1967, Debray est emprisonné plusieurs mois en Bolivie, à Camiri (sud-est), où a lieu son procès, accusé d'avoir participé à des accrochages qui ont fait 18 morts dans les rangs de l'armée bolivienne. "Danton", son nom de guérillero, est condamné le 17 novembre 1967 à 30 ans de "prison militaire", échappant à la peine capitale. Il en purgera un peu moins de quatre. Il séjourne ensuite au Chili puis rentre en France en 1973. Quatre ans plus tard, il obtient le prix Femina avec La neige brûle. Chargé de mission auprès de François Mitterrand à l'Élysée de 1981 à 1985, il sera maître de requêtes au Conseil d'État de 1985 à 1989 avant de démissionner. En 1991 et 1992, il publie Cours de médiologie générale. Vie et mort de l'image, une histoire du regard en Occident. Parmi ses autres sujets de prédilection, le rapport au sacré et à la religion, le Proche-Orient ou encore le déclin de la littérature et d'une certaine idée de la France.
SOURCE : AFP