JUSTICE : LA COUR CRIMINELLE ACQUITTE ALEX URSULET AU BÉNÉFICE DU DOUTE

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L’avocat général avait demandé 13 ans de réclusion criminelle et la défense plaidé l’acquittement. L’avocat Alex Ursulet était accusé d’avoir violé une stagiaire avocate à son cabinet, le 30 janvier 2018.

Après les plaidoiries de la partie civile, prononcées vendredi soir, la dernière journée du procès pour viol de l’avocat Alex Ursulet, 68 ans, s’est ouverte sur le réquisitoire plein de sarcasmes de l’avocat général Philippe Courroye, qu’il achevait par des réquisitions de 13 années de réclusion criminelle, assorties d’une interdiction définitive d’exercer la profession d’avocat. L’accusé ? « Plus de faire savoir que de savoir-faire », lance-t-il par exemple, moquant le goût de l’avocat pour les feux de la rampe, il proclame : « Guy Georges est une rampe médiatique sur laquelle va surfer Me Ursulet ! »

L’avocat général adhère entièrement au récit de la plaignante et s’apprête à requérir une lourde peine contre l’accusé. Il décrit son mode opératoire, composé de quatre phases : « Séduction, domination, possession, répression. La séduction commence à Alençon, par des compliments et l’installation d’une connivence. La domination s’instaure dans la foulée, par le biais d’un champ lexical connoté, un jeu auquel elle s’est prêtée, point sur lequel elle s’est expliquée. La possession, ce sont les faits de viols, et la répression : la « folie vengeresse » de l’avocat, comme l’avait appelée la plaignante la veille.

« Il se discrédite en jetant des pelletées d’ordures sur Margaux »

Alex Ursulet a pourtant plusieurs alibis. Son rendez-vous avec le journaliste F-X G., par exemple, qui invaliderait la version de Margaux*. « On va appeler un chat un chat : tout indique qu’il s’agit d’un témoignage de complaisance », balaye l’avocat général. Il le qualifie de « folliculaire complaisant » qui va empiler les articles en défense d’Ursulet. « F-X G., c’est les variations Goldberg en moins mélodieux ».  Il se moque avec la même légèreté du témoignage de la compagne d’Ursulet, qui lisait des notes lors de sa déposition au commissariat.

Le magistrat se saisit ensuite de plusieurs éléments, qu’il considère comme des mensonges. Il dit : « je la vire, elle se venge. Mais c’est elle qui envoie une lettre de rupture, le 31 janvier 2018 », le lendemain des faits allégués. Lui-même écrira à l’école : « je prends acte de la volonté de Margaux de rompre la convention de stage. » Me Sébastien Revel, chez qui elle a effectué son premier stage et qui aurait appuyé la version de l’accusé ?Il « se discrédite en jetant des pelletés d’ordure et de crachats sur Margaux, il parle de son intempérance, mais il est incapable de citer un seul fait ! » De fait, et Me Ursulet, et Me Revel, ont souligné une appétence soutenue de la plaignante pour les toxiques, sans qu’il ait pu être objectivé une seule fois que Margaux se soulait ou se droguait.

« Combien de Margaux ont gardé le silence ? » Il dresse sa lourde robe rouge lestée de décorations et, sentencieux, achève son propos : « Vous n’assumez même pas ; la souillure de votre serment de dignité, vous la consommez jusqu’au bout. Ce que vous avez fait par vos dénégations, par vos mensonges flagrants – à chaque réponse, c’était un nouveau mensonge ! ; au-delà de vous, c’est la robe d’avocat que vous avez souillée ! »

Un rapport sexuel, mais pas de viol

Trois avocats se sont ensuite succédé, avec des stratégies divergentes dont on peine à voir, parfois, la complémentarité.

Luc Brossollet a débuté en proposant une nouvelle théorie, qui a germé dans son esprit après l’audition de l’expert psychiatre Isabelle Teillet. La veille, elle avait expliqué qu’au fond, Margaux avait, d’une certaine façon, consenti à cet acte sexuel. Finalement, s’est écrié Luc Brossollet, la version de l’expert est compatible avec celle de la plaignante. Il y a bien eu un rapport sexuel – il contredit de ce fait la version de son client – mais il n’y a pas eu de viol !

La relation entre les deux était celle entre un dominant et une dominée (les SMS sont implacables). « Pourquoi ferait-elle tout ce qu’il lui demande ? Ramasser le chargeur, allumer la cigarette ? Elle a elle-même qualifié les SMS de jeu, et elle employait le vocabulaire de la domination. » Or, « Les relations dominant dominées sont toujours des relations consenties », lance-t-il. « Elle y a trouvé une sorte de satisfaction psychique, quelque chose qui faisait qu’elle ne s’y opposait pas. Ce n’est pas loin de la dialectique du maitre et de l’esclave ! »

Mais alors, pourquoi a-t-elle dénoncé un viol ? « Ce jeu ne l’a pas laissée indemne » et, en gros, elle aurait voulu se venger. « Quand elle dit : ‘j’ai mis du temps à comprendre que c’était un viol, c’est parce qu’elle savait que ce n’était pas un viol’! »

Me Fanny Colin a ensuite plaidé plus de deux heures, collant strictement à un dossier qu’elle maîtrise à la perfection et à la version de son client qu’elle défend pied à pied. Elle commence par tacler l’avocat général, dont elle dit qu’elle est soufflée de constater à quel point l’audience a pu glisser sur lui. Et elle dénonce une vision univoque du dossier, fondée sur la mauvaise réputation d’Alex Ursulet, les rumeurs infondées, et la croyance selon laquelle les déclarations de Margaux sont « nécessairement frappées du sceau de l’authenticité ».

Une chasse à l’homme

Elle dénonce des « hypothèses extrapolées ». Un seul témoignage d’une ancienne collaboratrice faisant état d’un geste de nature sexuel contre « 17 qui ne disent absolument rien de ça ». Il était connu pour son tempérament tempétueux, cassant, voire humiliant : rien de sexuel. « Pourquoi mentiraient-elles, les autres collaboratrices ? Qu’ont-elles à gagner ? Et Sébastien Revel ? Absolument rien. »

Avec un débit étourdissant, Fanny Colin a rétorqué point par point aux affirmations de l’avocat général. Les messages d’Ursulet, décalés ? Comme ceux de Margaux. Les témoignages du journaliste et de la compagne, faux ? Non, simplement « humains », comme ceux qui vont dans le sens de l’accusation. Elle brocarde une instruction qui n’a pas diligenté d’expertise téléphonique. Sur un SMS de Margaux, qui avait écrit « redoutable ». « Voyez-vous, je lis la presse, et un journalistes a qualifié l’un des avocats de ‘redoutable’. Redoutable, ça qualifie une plaidoirie, par un viol ! » « Au regard du quantum de la peine, il vous faut une certitude pour chaque année réclamée. C’est ça, l’indépendance des magistrats. »

Enfin, Edouard Martial a raconté comment son client s’était senti sali et a dénoncé une « chasse à l’homme » « Il entend les murs parler et les manchots le montrer du doigt. La bave court partout. »

Au terme d’un délibéré extrêmement bref, la cour criminelle départementale de Paris a motivé son arrêt ainsi :

« La cour a considéré qu’Alex Ursulet avait effectivement commis à Paris, le 30 janvier 2018, des actes de pénétration sexuelle, sur la personne de Margaux* : la cour a, en effet, cru Margaux*, dans ses déclarations, lorsqu’elle a affirmé à l’audience (…) qu’elle avait fait l’objet, à deux reprises, de pénétrations digitales vaginales, au sein du cabinet de l’avocat Alex Ursulet. » La cour « ne conteste pas son mal-être, présent immédiatement après les faits, comme au cours des semaines, mois et années qui ont suivi et dont son compagnon de l’époque a pu témoigner, avec émotion, à l’audience. »

La cour explique ensuite qu’elle n’a été convaincue ni du récit de l’accusé, ni des témoignages de F-X. G., le journaliste de France Antilles, et de Anne de Bourbon Siciles, la compagne d’Alex Ursulet.

« Pour autant, la cour a eu un doute sur le fait que ces actes de pénétration sexuelle aient pu être imposés avec surprise ou contrainte. »

« D’une part, la cour a eu un doute sur les circonstances exactes dans lesquelles les faits se sont déroulés, eu égard à la configuration des lieux et aux positions de chacun dans la pièce principale de ce cabinet.

D’autre part, la cour a relevé que Margaux, en stage dans ce cabinet d’avocat depuis le 8 janvier 2018, n’avait côtoyé Alex Ursulet que 5 jours avant la commission des faits dénoncés et donc n’était effectivement sa stagiaire que depuis peu, de telle sorte que l’existence d’une emprise n’est pas parfaitement établie.

Elle se trouvait en outre dans un jeu de séduction, sexualisé, débuté à l’issue du procès d’Alençon en janvier 2017 où Alex Ursulet et Margaux se sont croisés. Ce jeu est attesté, notamment par l’envoi de SMS. »

« Enfin, la cour a eu un doute sur l’existence d’une intention criminelle. Alex Ursulet échangeant des messages avec sa stagiaire après les faits dénoncés, laissant ainsi penser qu’il n’avait pas conscience d’avoir accompli un acte répréhensible, et le lendemain, demandant à Margaux où elle se trouvait et ce qu’il se passait ».

Au regard de l’ensemble des éléments ci-dessus évoqués, la cour acquitte Alex Ursulet au bénéfice du doute.

 

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