COUR DES COMPTES : LA VERITE SUR LES COÛTS REELS DU NUCLEAIRE

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Le coût de l'électricité nucléaire revu à la hausse

 

Le rapport de la Cour des comptes publié mardi vise à identifier les «vrais» coûts du nucléaire. En affichant un coût moyen de 49,5 euros le mégawattheure (MWh), la Cour espère dépassionner le débat. Rien n'est moins sûr.


Le premier ministre François Fillon avait commandé ce rapport très attendu en mai, quelques semaines après la catastrophe de Fukushima, donnant satisfaction à une demande d'organisations écologistes.

• Le chiffre central: le coût moyen de production

Combien coûte exactement le mégawattheure (MWh) d'origine nucléaire? Le chiffre calculé par la Cour des comptes était particulièrement attendu. La méthode employée, dite du coût courant économique, intègre la rémunération du capital et prend en compte le cycle complet de cette industrie, incluant donc les charges futures liées au démantèlement et à la gestion des déchets. Le MWh ressort ainsi à 49,5 euros. Soit plus de dix euros supplémentaires que les estimations de la Commission Champsaur, l'année dernière, qui ont servi de base à l'Accès réglementé au nucléaire historique (Arenh), c'est-à-dire le prix auquel EDF vend son électricité à ses rivaux pour stimuler la concurrence. Celui-ci a finalement été établi à 42 euros le MWh.

Une différence de taille toutefois: Champsaur tient compte de l'amortissement du parc, ce qui n'est pas le cas de la Cour des comptes. Dans son calcul, celle-ci indique que la courbe des investissements de maintenance pèse bien davantage que les dépenses liées à la déconstruction.

• Le coût de Fukushima

À la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) française a publié, le 3 janvier, un rapport dans lequel elle exige une série de travaux dans toutes les centrales d'EDF afin d'en améliorer la résistance en cas d'événements extrêmes. EDF estime à quelque 10 milliards d'euros la facture de ces futurs travaux.

D'après le rapport, la moitié de ces investissements serait déjà prévue dans le programme d'investissements d'EDF pour la période 2011-2025 qui vise à prolonger la durée de vie des centrales et à en améliorer la disponibilité. Cette enveloppe, d'un montant de 50 milliards d'euros, correspond à 3,3 milliards par an soit un doublement par rapport aux investissements actuels de maintenance.

Le surcoût post-Fukushima porterait ce montant à 3,7 milliards annuels. Cette évolution des investissements prévus ajoutés à ceux prescrits par le gendarme du nucléaire alourdirait de 10% de coût de production du nucléaire qui passerait ainsi de 49,5 euros à 54 euros le MWh.

• Le coût du démantèlement des centrales

Les comparaisons internationales effectuées par la Cour des comptes aboutissent à une fourchette très large allant d'une grandeur de 1 à 3. EDF se situe dans la partie basse de la fourchette. Son ampleur s'explique notamment par des périmètres très différents.

En France, le coût du démantèlement n'intègre pas la gestion des déchets radioactifs, à la différence d'autres pays. En outre, note-t-on à la Cour des comptes, le fait que le parc nucléaire français soit standardisé, avec 58 réacteurs de la même technologie, pourrait contribuer à des économies d'échelle et donc à un coût de déconstruction inférieur à celui de pays (Grande-Bretagne par exemple) au parc plus hétérogène.

Pour prendre en compte l'incertitude qui demeure sur le coût du démantèlement, les magistrats de la rue Cambon ont calculé différents scénarios. Si les charges de démantèlement augmentaient de 50%, le coût moyen de production serait rehaussé de 2,5% (soit 50,7 euros le MWh). Si ces charges doublaient, le mégawattheure nucléaire serait alourdi de 5%, soit un coût de 52 euros.

• Le coût des déchets radioactifs

La France a choisi d'enfouir profondément les déchets les plus radioactifs, issus des combustibles usés. Le laboratoire de Bure, en Haute-Marne, préfigure le futur site de stockage qui accueillera, pas avant le milieu du siècle, les déchets vitrifiés à La Hague dont certains mettront des centaines de milliers d'années à perdre leur radioactivité. Combien coûtera la gestion de ce legs? L'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) évoquait jusque récemment un coût de 15 milliards d'euros, creusement du site avec cent ans de gestion compris. L'agence publique a revu à la hausse son devis, qui a carrément doublé.

Cette facture de 32 à 34 milliards d'euros est vigoureusement contestée par EDF et Areva qui estiment le projet technique de l'Andra surdimensionné. Partant néanmoins de ce chiffre récent, la Cour des comptes a calculé que ce surcoût n'augmenterait le coût de production du nucléaire que de 1%, car cette charge se répartit sur plus d'un siècle.

• Le coût de l'EPR

Même si le réacteur de troisième génération représente l'avenir de la filière nucléaire française, la Cour des comptes ne s'attarde pas sur le dossier: «Ces deux réacteurs (en France et en Finlande) étant encore en construction, les chiffrages ne peuvent être que des estimations.» Deux fois revu à la hausse par EDF, le coût du chantier de Flamanville (Manche) s'élève désormais à 6 milliards d'euros, contre 4 milliards à l'origine.

Compte tenu de l'allongement des délais et de l'inflation de la facture, la Cour évalue le coût de production de l'EPR entre 70 et 90 euros le MWh, avec une durée de fonctionnement de soixante ans. Mais elle le fait d'autant plus prudemment qu'il s'agit d'un prototype. Les magistrats de la rue Cambon envisagent que les coûts de l'EPR de série puissent être inférieurs mais, là encore, sans aucune estimation à la clé.

• D'autres coûts difficiles à chiffrer

La Cour des comptes le reconnaît sans fard: plusieurs coûts du nucléaire ne font pas l'objet actuellement d'une «dépense identifiée». Ces «externalités» recouvrent d'abord les impacts sur l'environnement (production de gaz à effet de serre, rejets de produits dans l'eau et dans l'air…) et les impacts sur la santé humaine.

Se pose également la problématique du risque nucléaire et des assurances. La Cour fait référence aux catastrophes passées (Three Mile Island, Tchernobyl), et rappelle qu'en France «des scénarios d'accident ont été bâtis» mais que «les évaluations financières (…) sont encore insuffisantes». À titre indicatif, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) table sur 70 milliards d'euros pour un accident modéré sur un réacteur et oscille entre 600 et 1000 milliards pour des épisodes gravissimes comme Fukushima.

SOURCE : LeFigaro