L'ANORMALITÉ À PROPOS DE L'AFFAIRE "GREEN PARROT" par Raphaël CONSTANT

raphael.constant.jpgAinsi donc, tout serait normal et émettre des critiques contre l’étonnante et étrange décision de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation dans l’affaire dite « Green Parrot » serait « outrancier » selon les deux plus hauts magistrats français siégeant en Martinique.

 

Dire que la justice est rendue dans notre pays dans des conditions « particulières » serait un crime de lèse-majesté (pardon lèse-République Française) de sorte que ces deux  hauts personnages ont trouvé nécessaire de répondre.

En fait, leur intervention est si originale, sinon extraordinaire, qu’elle trahit leur affirmation et démontre bien le caractère tout à fait particulier de ce dossier à l’image de la justice à la Martinique.

N’en déplaise à ceux qui refusent de l'admettre, historiquement, sociologiquement, la société martiniquaise est différente de la société française. La seule question de la place de la violence dans notre société illustre cette différence qui est, le plus souvent, incompréhensible pour les magistrats arrivant en Martinique. On ne peut donc y rendre la justice de la même manière et aucune personne sensée et honnête ne peut prétendre le contraire. Dans la quasi-totalité des cas, les juges sont ignorants de cette histoire et de cette sociologie. Pour eux, nous sommes trop violents et leur bienveillante mission civilisatrice les oblige à sévir et réprimer sévèrement nos déviances.

Pour s’en tenir au seul volet de la justice pénale (il y aurait autant à dire dans les autres domaines du droit) il y a deux fois et demie plus de prisonniers en Martinique qu’en France. Ceci est une réalité mathématique. La politique pénale, du tout répressif, menée ici crée plus de désastres humains et sociaux que la délinquance elle-même. Cette dernière se nourrit et s’amplifie de la politique pénale de répression systématique qui est menée dans notre pays.

Il y a donc bien une réalité judiciaire différente en Martinique par rapport à la France.

Est-elle discriminatoire ?

D’évidence. Un primo-délinquant se retrouvera plus rapidement en prison en Martinique que dans aucun territoire de la France dite métropolitaine.

Voici bien le quotidien judiciaire de la justice française en Martinique.

Le Centre Pénitentiaire de Ducos est le pire de France selon l’Observatoire International des Prisons.

On y torture et on y viole quotidiennement les droits les plus élémentaires.

Or, cette réalité n’a jamais suscité l’émoi des magistrats siégeant en Martinique.

Jamais Premier Président et Procureur Général n’ont mêlé leurs plumes pour s’en plaindre ou s’en émouvoir.

Mais l’affaire « Green Parrot » mobilise leur attention.

Il y a de quoi car elle est pour le moins originale.

Elle démarre par une lettre anonyme dont  il faut noter que le Parquet de la République refusera  toujours d’en retrouver les auteurs pour se concentrer uniquement sur son contenu diffamatoire et partiellement mensonger.

Suite aux plaintes directes des victimes de la calomnie, on identifiera certains des diffuseurs du texte. Parmi eux, un hiérarque d’un parti opposé à l’actuel président du Conseil Exécutif. Le Parquet de la dite République, il faut le dire, fera tout pour sauver cette personnalité. Vainement puisqu’à la suite d’un parcours du combattant imposé aux victimes, la Cour d’Appel leur donnera raison.

Quel précédent existe-t-il en France  quant au traitement d’un tel dossier ?

Sur le plan des poursuites, le parquet de la supposée  République va mener enquête puis instruction au rythme des échéances électorales. Depuis 2009, à la veille de chaque élection, le Parquet a ressorti l’affaire « Green Parrot ». Avec succès une fois en 2010. Vainement par deux fois en 2012 et 2015.

Quel précédent français peut-on invoquer  pour justifier de tels errements ?

Une instruction sans aucune investigation. Simplement des mises en examen médiatisées et un renvoi devant le Tribunal.

Quel précédent à ces dysfonctionnements dans un dossier pénal pour le moins complexe ?

Et le sommet, la demande de dépaysement par un Parquet aux abois!

Avec principalement deux motifs.

D’une part, la défense a une volonté de déstabiliser ! La belle affaire ! A croire que, la défense ne peut se concevoir autrement que soumise ou de connivence. Argument absurde car où que l’on juge nos clients, les défenses feront leur travail de dénoncer cette pantalonnade de justice.

D'autre part, mais surtout, sans vraiment le dire, la demande de dépaysement respire la peur. La peur du ridicule pour un Parquet à devoir, enfin, publiquement soutenir une accusation bancale.

Mais surtout la peur du peuple. De ce peuple martiniquais nié et bafoué.

Juger ailleurs, c’est juger sans le peuple, loin de son regard et de ses critiques.

Quand on veut commettre des forfaits, on se cache et on craint la lumière.

En acceptant cette requête, la Chambre Criminelle, comme le disait un journaliste français, n’a pas rendu un arrêt mais un service.

Quel précédent à  ce dépaysement à la demande d’un parquet pour un dossier concernant  un élu ?

Ce cumul de faits inhabituels et anormaux démontre bien le traitement tout à la fois discriminatoire et politicien de ce dossier.

Camille Darsières a du se retourner dans sa tombe en entendant son héritier dire que ce procès n’était pas politique. Serge Letchimy feint d'oublier l’histoire de notre pays (dans sa logique, ni l’affaire de l’OJAM, ni celle des frères Boutrin ne serait politique !) et en s’alliant aux loups, il ouvre la voie à son propre hallali.

Le Parquet craignait le désaveu du juge le 9 novembre 2016 et en allant outre-mer il espère y trouver des complaisants qui couvriront ses turpitudes.

Le pari du Procureur Général peut réussir.

Mais qu’allait faire dans cette galère le premier magistrat du siège officiant en Martinique ?

A croire que, en Martinique, territoire dépendant, au sens du droit international public, tout est possible, même l’inacceptable.

 

Le 24/09/16

Raphaël CONSTANT

Avocat et Militant