REUNION : le Chikungunya de retour, 3 ans après

chikungunya.jpgInquiétude dans l'île.

Un cas avéré et deux cas suspects de chikungunya ont été signalés à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (Drass) cette semaine.

Trois personnes habitant dans un même quartier de Saint-Gilles-les-Bains et n’ayant pas récemment voyagé. Il s’agirait donc de cas autochtones à l’origine d’un début de foyer épidémique.


Alors que tous les regards se tournent vers le nouveau virus de la grippe A (H1N1), une arbovirose bien connue des Réunionnais, se rappelle à notre mauvais souvenir. Le chikungunya fait son retour dans l’île, après trois ans d’absence. Si le dernier cas autochtone confirmé sur le territoire remonte à décembre 2006, le nombre de malades avait déjà commencé à stagner entre zéro et cinq chaque semaine à partir de juillet 2006. “On est toujours exposé à une épidémie de chikungunya”, prévenait Laurent Filleul, coordonnateur scientifique à la cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) Réunion-Mayotte, il y a encore quelques mois. Jouer les Cassandre n’aura pas permis d’éviter la résurgence du virus. Hier, la préfecture a annoncé dans un communiqué que “trois personnes présentant des symptômes compatibles avec une infection par le virus du chikungunya avaient été signalées à la Drass de la Réunion”. Le génome viral a été mis en évidence par RT-PCR pour l’une d’entre elles. Le cas “semble avéré”, indique la préfecture dans un communiqué. Même si le résultat est donné positif par le laboratoire de microbiologie du centre hospitalier Félix-Guyon, le prélèvement a été envoyé à Paris au centre national de référence (CNR) des arboviroses de l’Institut Pasteur pour confirmation. “Les résultats seront connus d’ici dix jours”, assure la préfecture.

Un quartier sous “haute surveillance”

Concernant les deux autres cas suspects présentant une fièvre et des douleurs musculaires, des analyses ont révélé la présence d’anticorps anti-chikunungunya dans leur sang. Ce qui signifie qu’ils ont contracté le virus au cours de leur vie. Un deuxième prélèvement sérologique devrait permettre de déterminer s’il s’agit d’une infection récente ou ancienne. Mais “les trois personnes ont présenté des signes évocateurs récents du chikungunya”, précise Gaëlle Fohr, responsable adjointe de la lutte anti-vectorielle (LAV) de la Réunion, avant d’indiquer qu’elles n’ont pas développé de “forme grave”. Si les autorités sanitaires se refusent à communiquer l’âge et le sexe des malades, on sait que ces trois Réunionnais habitent dans le quartier de Saint-Gilles-les-Bains et qu’ils n’ont pas de lien familial. Il s’agit de personnes vivant à proximité les unes des autres. Ce qui laisse penser qu’il pourrait s’agir d’un début de foyer épidémique. Autrement dit, l’étincelle nécessaire à tout départ de feu épidémique. D’autre part, les malades n’ayant pas voyagé, nous sommes en présence de cas autochtones. En ce qui concerne un éventuel retour épidémique du chikungunya à la Réunion, les autorités sanitaires restent prudentes : “On met tout en place pour limiter la transmission du virus. Nous adoptons plus une attitude de vigilance que d’inquiétude. On va mettre ce quartier sous haute surveillance pour détecter tout nouveau cas éventuel”, souligne Gaëlle Fohr (lire ci-contre). 62 % des Réunionnais peuvent être contaminés

Cette réapparition du chikungunya reste une véritable surprise pour les Réunionnais. Premièrement car nous sommes en plein cœur de l’hiver austral, soit en période où le moustique vecteur du chikungunya (aedes albopictus) se fait le plus discret, mais également car la zone où il a émergé est l’une des moins pluvieuses de l’île. Les efforts de la LAV ont-ils été relâchés au profit de la grippe A ? “Non, affirme Gaëlle Fohr. Le service a continué ses actions au quotidien. 4 000 enfants ont été sensibilisés au moustique dans les centres aérés durant ces vacances et les actions de démoustication continuent. 27 zones ont été traitées par adulticide la nuit en juillet.” Le retour d’une épidémie de chikungunya reste possible. En Inde ou en Malaisie, par exemple, de nouveaux foyers sont apparus après une période d’accalmie. Enfin, il reste une partie substantielle de la Réunion qui n’est pas immunisée contre cette infection tropicale. 62 % des Réunionnais peuvent encore être contaminés (1)

Textes : Marie Payrard

(1) Les 38 % de Réunionnais qui ont contracté le virus du chikungunya une première fois sont immunisés à vie.

 

Démoustication immédiate

“Dès le signalement du premier cas, des actions de lutte et de prévention ont été mises en place par le service de lutte anti-vectorielle (LAV) de la Drass”, affirment les autorités. Ainsi, dès le 10 août, un traitement chimique pour tuer les moustiques adultes (adulticide) a été pulvérisé dans les maisons autour des malades et une recherche active de nouveaux cas a été réalisée par les agents de la LAV. Ensuite, un traitement biologique pour supprimer les larves de moustique (larvicide) a été effectué dans plus de 100 cases avoisinantes. Les ravines et autres gîtes larvaires propices au développement des moustiques ont également été traités. Enfin, la LAV a démoustiqué environ 300 maisons à l’aide d’adulticides campés sur des 4x4 les nuits de dimanche et mercredi dernier. Une nouvelle action devrait être menée dimanche prochain. Bien sûr, l’ensemble des habitants rencontrés lors des interventions de la Drass ont fait l’objet d’une sensibilisation sur les gestes de prévention et de protection : utilisation des moyens de protection (sprays et crèmes répulsifs, serpentins, diffuseurs électriques), élimination des gîtes larvaires autour de la maison (vider les soucoupes, pneus…) afin de limiter la prolifération des moustiques.