"RUE DES SYRIENS" : RAPHAËL CONFIANT POURSUIT SA FRESQUE CREOLE

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Salle comble à ... Rue des Syriens !


Vendredi 7 septembre 2012, à la bibliothèque Schœlcher, Raphaël Confiant présentait son dernier roman «Rue des SYriens» (éditions Mercure de France) en compagnie du journaliste Adams Kwateh et de Georges Hajjar, commerçant d’origine syrienne.



 Devant un nombreux public, une facette largement méconnue de la société créole a été dévoilée: celle de l’immigration levantine aux Antilles à la fin du 19è siècle. Adams Kwateh, diplômé en langue arabe, a d’abord souligné l’importance de cette contribution à la connaissance de la société martiniquaise et a en a lu des extraits, notamment les passages dans la langue des Syriens.

Ensuite, ce fut au tour de Georges Hajjar, commerçant à Fort-de-France, de faire part de son vécu: «Je suis né en Martinique de père Syrien. Tous les jours, il m’emmenait avec lui dans des quartiers tels que Morne Morissot ou Château-Bœuf pour vendre du tissu. À l’époque, ces endroits n’étaient pas encore urbanisés comme aujourd’hui…La population nous réservait toujours un accueil chaleureux, nous offrait à manger et nous reposer chez eux… Mon père avait mis en place un système de crédit qui permettait aux malheureux de l’époque de pouvoir se vêtir et se chausser. Par la suite, il a ouvert un magasin et ce magasin est là depuis bientôt 55 ans. C’est là où je travaille aujourd’hui… Je me sens profondément martiniquais et beaucoup de gens m’appellent «chaben». J’ai d’ailleurs épousé une Martiniquaise. Franchement, il n’y a pas de peuple plus accueillant que les Martiniquais. Je ne renie pas pour autant ma culture syrienne et suis allé trois fois en Syrie…»

L’auteur du roman, Raphaël Confiant, a ensuite pris la parole afin d’expliquer le sens de sa démarche: «Je m’attèle à écrire l’histoire du peuple martiniquais dans toutes ses composantes. A vrai dire, je suis plus historien et anthropologue qu’écrivain et quand on m’appelle «artiste», je ressens une certaine gêne… Patrick Chamoiseau, lui, est un véritable écrivain, bien meilleur que moi en tout cas… Lorsque j’étais enfant, il m’arrivait de passer des vacances chez ma grand-mère chinoise qui tenait un commerce de demi-gros, cela à la rue Antoine Siger, non loin de la rue François Arago donc, dite «Rue des Syriens». J’ai été longtemps bercé par la langue et la musiques arabes. Ce n’est qu’en allant beaucoup plus tard faire mes études en France que j’ai découvert que cette chanteuse à la voix lancinante qui me faisait tressaillir était la diva égyptienne Oum Kalsoum… J’ai aussi enseigné un peu plus d’une année en Algérie et vécu trois mois au Maroc, ce qui m’a permis d’avoir une certaine connaissance du monde arabe. Je ne connais pas la Syrie mais le devoir d’un écrivain est d’imaginer… Nous ne ferons pas la Martinique sans une réconciliation de toutes ses composantes et je suis favorable aux efforts qui sont faits envers les Békés mais pas avec la manière de procéder. Il faut un système proche du «Comité Vérité et Réconciliation» comme Mandela l’a fait en Afrique du Sud. Or, en Martinique, certains veulent écarter le volet «Vérité» pour ne s’en tenir qu’au volet «Réconciliation» et là je ne suis pas du tout d’accord!... Les Syro-libanais sont devenus des Martiniquais, pleinement Martiniquais, et à ce titre ils méritent considération et respect. C’est le sens de mon livre…»

Enfin, un public passionné a posé des questions aux trois intervenants, relatant des anecdotes sur les colporteurs syriens et leur côté un peu roublard. D’autres ont au contraire évoqué la gentillesse des commerçants levantins, soulignant qu’ils ont fait l’effort d’apprendre très vite le créole pour s’adapter à la vie martiniquaise. La situation actuelle en Syrie et la guerre qui s’y déroule a été posée par un intervenant qui a demandé pourquoi Raphaël Confiant arborait une écharpe représentant le drapeau de Bachar El-Assad, le «dictateur» syrien. L’auteur a répondu qu’il ne fallait pas se laisser manipuler par les médias occidentaux et qu’il s’agissait en fait d’un vaste complot visant à diviser le monde arabe en petites principautés, comme c’est devenu le cas en Irak, afin de pouvoir contrôler la région. R. Confiant a affirmé son soutien à Bachar El-Assad.

Dernier intervenant: Johnny Hajjar, conseiller général du PPM et frère de Georges Hajjar, qui a tenu à rectifier un certain nombre de préjugés à l’endroit de la communauté syrienne de la Martinique, trop souvent stigmatisée selon lui par certaines personnes qui ne la connaissent pas vraiment.

Une soirée forte instructive en tout cas…