SANTÉ : COMMENT LE PALUDISME EST ARRIVÉ EN AMÉRIQUE DU SUD

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Le parasite de la maladie est arrivé sur le continent américain avec la traite des esclaves africains.

 

La forme la plus sévère du paludisme associée au parasite Plasmodium falciparum aurait été introduite sur le continent américain à l'occasion de la traite des esclaves. Le parasite aurait traversé l'Atlantique d'est en ouest sur les navires négriers, entre le XVIe et le XIXe siècle.


Cette hypothèse est avancée depuis longtemps mais une étude publiée dans les Pnas, la revue de l'Académie américaine des sciences, semble la confirmer. En effet, les caractéristiques génétiques du parasite présent en Amérique du Sud sont plus proches des formes africaines actuelles que de celles qui circulent en Asie ou au Moyen-Orient.

Curieusement, alors que les esclaves venaient tous d'Afrique de l'Ouest, deux groupes génétiques différents de falciparum sont présents en Amérique latine: l'un au Nord, en Colombie, et l'autre dans tout le Sud.

Une forme moins sévère du paludisme associée à un autre parasite (Plasmodium vivax) était déjà présente sur le continent, comme l'ont révélé les analyses de plusieurs momies précolombiennes et comme en atteste l'utilisation de l'écorce du quinquina au Pérou pour lutter contre les fièvres, comme le relatèrent plusieurs missionnaires catholiques lors de la conquête espagnole.

 

La colonisation du continent américain par falciparum serait donc récente et fulgurante, le parasite bénéficiant de la reproduction explosive des moustiques. Bien des questions restent encore en suspens, comme le reconnaît Franck Prugnolle, du laboratoire des maladies infectieuses de Montpellier (CNRS/IRD), qui a piloté l'étude.

Le génome du parasite sud-américain pourrait, par exemple, porter aussi les marques de ce qu'on a appelé la «coolie trade» qui a vu, entre 1840 et 1850, l'arrivée dans les grandes plantations du Pérou de plus de 200.000 travailleurs asiatiques, chinois en particulier, où sévissait aussi une forme de falciparum. De nouvelles recherches pourraient bientôt le montrer.

 

Nouvel environnement

 

On ne saura sans doute jamais, en revanche, si les Européens, et notamment les conquistadores, ont eux aussi contribué à la diffusion de la maladie. C'est fort possible car falciparum était présent jusqu'au début du XXe siècle dans l'ouest du bassin méditerranéen.

 

Comment le parasite a-t-il pu s'adapter à un nouvel environnement et passer du moustique africain (Anopheles gambiae) à son cousin sud-américain (A. darlingi)? «Pour le savoir, il faut voir comment son génome a évolué, explique Franck Prugnolle. On pourrait ainsi obtenir des informations sur les voies métaboliques essentielles à sa survie et trouver des nouveaux moyens de lutte.»

La génomique a ouvert aussi beaucoup de perspectives concernant l'origine ancienne de falciparum. Des recherches récentes ont montré que les grands singes sont le berceau africain du parasite. Mais, on pourrait bientôt découvrir qu'il existe aussi chez les petits singes et que c'est de là que l'espèce ancestrale s'est transmise aux primates, dont l'homme fait partie.

 

SOURCE : LefigaroSANTÉ