TRAFIC DE PERSONNES à la frontière HAITI - REP.DOMINICAINE

esclaverd.gifQue faire face à cette migration illégale ?

P-au-P, 23 oct. 09 [AlterPresse] --- Le Service jésuite pour les refugiés et les migrants (Sjrm) inaugure, ce 23 octobre à Port-au-Prince, une rencontre sur les causes de la migration et les pratiques courantes liées à la traite et au trafic des personnes à la frontière haïtiano-dominicaine.


 

Baptisé « flux migratoire des Caraïbes 2009 », cet événement réunit durant 2 jours des personnalités du Canada, des États-Unis d’Amérique, de la République Dominicaine, et les directeurs de tous les bureaux du Srjm.

Une intervention de l’ex-ambassadeur d’Haïti en République Dominicaine, Guy Alexandre, autour de la migration haïtienne, est prévue.

Des intervenants américains, canadiens et dominicains parleront de la situation des travailleuses et travailleurs issus de la migration, dans leur pays respectif.

Il s’agit de présenter une étude globale de la situation à la frontière entre les deux pays, en analysant les causes de la migration, la traite et ses conséquences sur les peuples haïtien et dominicain, selon le Srjm.

Les organisateurs espèrent également fournir des alternatives de régularisation des déplacements de population qui enveniment, depuis un certain temps, les rapports haïtiano-dominicains. [gp apr 23/10/2009 10:00]


Source : AlterPress 

ESCLAVES AU PARADIS

Chaque année, ils sont un peu plus de 20.000 Haïtiens à traverser la frontière de la République dominicaine pour travailler pendant une saison de zafra, la récolte du sucre. La majorité de ces traversées s’effectue en dehors de tout cadre légal et résulte d’un processus organisé, connue des autorités, perpétré sous le regard bienveillant des offices de migrations et de la police dominicaines. En échange de cette main d’œuvre et sous prétexte de rémunérer des documents d’immigrations, les compagnies sucrières dominicaines versent une somme approximative de 30 euros au gouvernement haïtien pour chaque homme, plus une somme allouée aux rabatteurs.

Une fois les groupes constitués, les autobus des compagnies sucrières emmènent les travailleurs haïtiens dans les bateys, des bidonvilles miséreux où ils sont ensuite répartis en baraquements. En quête d’une vie meilleure, les braceros (coupeurs ce canne) se retrouvent vite dans l’enfer d’un travail abrutissant.

Lors d’un premier reportage photo au batey Mamey pour une association humanitaire, de décembre 2004 à janvier 2005, Céline Anaya Gautier rencontre le père Christopher Hartley. Grâce à lui, elle entrevoit les conditions de vie des braceros. Elle programme alors un deuxième voyage, accompagnée d’un ingénieur du son : L’idée est de révéler une réalité par l’image et impliquer les populations des bateys par leurs chants.

 

Avec Esteban Colomar,elle séjourne trois mois de mars à mai 2005 durant lesquelles ils partageront la vie des coupeurs de canne Haïtiens et des habitants des bateys. Ne devant pas être repéré par les exploitants et les capataces, ils ont accompagné comme “missionnaires”, deux prêtres catholiques, Christopher Hartley et Pedro Ruquoy.


Quelques semaines après ce reportage, le père Pedro Ruquoy a été renvoyé avec un préavis de 5 jours en Belgique, après avoir partagé 30 ans de sa vie avec les coupeurs de canne.

 

Le père Christopher, à son tour, à du quitter sur ordre de sa hiérarchie la République Dominicaine en juillet 2006.

Ce qu’ils proposent dans cette exposition de photos et d’archives sonores est sans détour.

Un témoignage cru, mais plein d’humanité, sur ce qui a été longtemps du domaine de l’inconcevable et du fantasme.

Leur reportage est un cri d’alerte. On y voit l’existence d’hommes, de femmes, d’enfants, résignés, térrifiés, réduits à l’état de bête de somme, considérés et destinés à finir leur vie comme tels, sans aucun recours depuis plusieurs générations et peut être encore pour longtemps.

Quelques semaines après ce reportage, le père Pedro Ruquoy est renvoyé en Belgique, après avoir partagé 30 ans de sa vie avec les coupeurs de canne. Il lui est reproché de trop médiatiser la situation des bateys. Certains industriels du sucre l’ont condamné à mort…

Cette exposition inédite se compose de 80 clichés dont certains ont déjà été publiés dans Match du Monde, Courrier International

Les ambiances sonores complètent ce travail : coupe de la canne, canne qui brûle, symboles de l’exploitation. Par ces voix, diffusées durant l’exposition, les populations des bateys acquièrent une réelle présence dans l’évènement.

 

Chaque année, des milliers d’haïtiens fuient en République Dominicaine dans l’espoir d’une vie meilleure. Ils tentent d’échapper à la misère qu’ils connaissent dans leur pays. La grande majorité d’entre eux n’ont pas de papiers et ne peuvent pas entrer légalement en République Dominicaine.


Des réseaux très organisés de passeurs et de buscones (trafiquants haïtiens et dominicains) leur font miroiter des emplois illusoires et leur demandent des sommes exorbitantes pour leur faire passer la frontière. Les buscones soudoient les fonctionnaires afin que les travailleurs migrants sans papiers puissent passer les postes de contrôle militaires mis en place pour les intercepter. Après avoir traversé la frontière, un grand nombre de ces travailleurs sont emmenés dans des bateys (baraques pour les ouvriers des plantations sucrières). Ils font ainsi partie des 30 000 ouvriers employés chaque année en tant que saisonniers dans l’industrie de la canne à sucre. Ceux qui ne réussissent pas à trouver un emploi dans le secteur agricole tentent leur chance ailleurs, par exemple dans le bâtiment.
Malgré leur emploi, de nombreux immigrés haïtiens sont expulsés en raison d’une mauvaise application de la législation sur l’immigration. Des haïtiens sont régulièrement arrêtés par la police, par les services de l’immigration ou par l’armée et renvoyés massivement en Haïti sans que soient examinés leurs papiers ou leur situation au regard de cette législation.
La discrimination fondée sur la nationalité ou la race aggrave encore ce phénomène. Les autorités recourent en effet au profilage racial pour arrêter les immigrés sans papiers. Les jeunes hommes noirs sont les principales victimes de ces méthodes expéditives. Même lorsqu’ils possèdent un visa en cours de validité, une carte de résident permanent ou la nationalité dominicaine, ils sont renvoyés de force en Haïti car les autorités considèrent automatiquement que leurs papiers sont faux.
« Quand vous êtes noir, que vous ayez ou non une carte d’identité ou un certificat de naissance, ça ne change rien. Ça n’a aucune valeur, explique Téolé, un Dominicain d’origine haïtienne qui travaille pour la défense des droits des immigrés haïtiens. Dans la rue, face aux agents de l’immigration, vous n’avez plus aucun droit. » Téolé a lui-même déjà été renvoyé en Haïti, malgré sa nationalité domniquaine.

 

 

Les personnes qui sont expulsées ne sont pas autorisées à contacter leur famille pour les avertir de leur situation, ni même à récupérer leurs biens ou le salaire qui leur est dû. Parfois, leurs affaires et leurs papiers sont confisqués par les services de l’immigration.


Francisca José, une petite fille de huit ans, a été arrêtée dans la rue à Santo Domingo avec cinq autres enfants, le 4 janvier 2006. Un agent de l’immigration l’a frappée au visage et elle a été envoyée dans un centre de détention pour immigrés sans que ses parents en soient avertis. Francisca a été remise en liberté le lendemain, les services de l’immigration ayant reçu la preuve de sa nationalité dominicaine.
Les haïtiens sont souvent accusés à tort d’être responsables de la hausse de la criminalité et du chômage en République Dominicaine. Ils sont fréquemment victimes d’actes xénophobes parfois extrêmement violents. Ainsi, le 7 mars 2006, dans la localité de Yabonico (province de San Juan), deux haïtiens, Edison Odio et Jako Medina, ont été très grièvement brûlés par une foule qui voulait venger le meurtre d’un maire dominicain. Craignant pour leur vie, des centaines d’haïtiens ont alors fui la région.
On estime à environ 500 000 le nombre de femmes, hommes et enfants prisonniers des bateys. Les traversées des braceros haïtiens résultent d’un processus clandestin, perpétré avec la complicité des offices de migrations, des autorités dominicaines et haïtiennes, ainsi que de trois familles intraitables de propriétaires : les Vicini, les Campollo et les Fanjul. Nombre de ces migrants restent pris dans ce système et passeront le reste de leur vie dans des bateys insalubres.
Les braceros travaillent quinze heures par jour, sans garantie de salaire ; les plus expérimentés parviennent à couper une tonne et demie de canne, payée à peine 1 euro en ticket de rationnement. Les femmes, elles, tentent d’assurer la survie du batey, tandis que les enfants d’haïtiens nés en République Dominicaine ne sont reconnus par aucun des deux gouvernements. On estime à

 

250 000 les enfants apatrides en République Dominicaine.


Céline Anaya Gautier et Esteban Colomar ont pu s’introduire dans ces plantations grâce à deux prêtres, Christopher Hartley et Pedro Ruquoy, qui ont travaillé quotidiennement sur le terrain pour accompagner et défendre ces hommes réduits en esclavage.