UAG - GRÈVE AU PÔLE UNIVERSITAIRE DE GUYANE : LE DIRECTEUR DE L'IESG REFUSE DE DÉMISSIONNER

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René Dorville : "sur 1884 étudiants de l'IESG, seuls 30 sont grévistes

CAYENNE (France), 02 nov 2013 (AFP) - Le directeur de l'Institut d'enseignement supérieur de la Guyane (IESG), accueillant environ les trois-quarts des étudiants guyanais, a indiqué samedi à l'AFP refuser de démissionner malgré la demande du ministère de l'Enseignement supérieur qui tente de dénouer la crise locale du monde universitaire.


Depuis près de quatre semaines, un collectif d'étudiants, d'enseignants et de personnels mène une grève pour dénoncer les multiples dysfonctionnements depuis la rentrée.

La Guyane compte environ 2.500 étudiants, dont "1.884" à l'IESG, selon son directeur René Dorville. Selon lui, "sur 1884 étudiants de l'IESG, seuls 30 sont grévistes principalement de la filière biologie".

Mercredi, la ministre Geneviève Fioraso avait annoncé la nomination imminente d'un "administrateur provisoire" en remplacement "de la gouvernance actuelle de l'IESG et du pôle Guyane", ainsi que diverses mesures pour une autonomie renforcée. Malgré ces annonces, le mouvement de grève a été reconduit, jusqu'à la prochaine assemblée générale lundi.

Après une réunion samedi à la préfecture, une nouvelle rencontre est prévue dimanche pour tenter de mettre fin au conflit.

M. Dorville, qui avait prévenu Mme Fioraso fin octobre qu'il ne démissionnerait pas "sous la pression" car son départ est demandé par l'intersyndicale, dit avoir appris par le communiqué de la ministre qu'il allait être écarté de son poste.

Il a depuis été "contacté par téléphone" par un conseiller de la ministre lui "demandant une lettre de démission de ses fonctions", demande à laquelle il a opposé une fin de non-recevoir.

M. Dorville assure qu'il saisira la justice en référé au cas où il serait démis de ses fonctions, selon un courriel à la communauté universitaire que l'AFP s'est procuré.

SOURCE : NouvelObs. 

 

INTERVIEW de René DORVILLE

René Dorville, le directeur de l’Institut d’enseignement supérieur de la Guyane (IESG) qui accueille près de trois quarts des étudiants du département, a confirmé samedi à Guyaweb avoir ” refusé de démissionner” malgré la demande en ce sens,  d’un “conseiller” du ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Il a accepté de répondre à nos questions… Par courriel.

C’est donc une déferlante de plus dans la crise qui secoue l’université des Antilles-Guyane. Après quasiment 4 semaines d’une grève menée, en Guyane, par un collectif composé d’étudiants et d’une intersyndicale (d’enseignants et de personnels administratifs), René Dorville, directeur de l’IESG en sursis, après les déclarations mercredi de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, a décidé de sortir de sa réserve et de dévoiler publiquement son désaccord envers la décision de Geneviève Fioraso.

L’homme n’avait plus guère le choix. Mercredi, la ministre avait en effet annoncé l’imminence de la nomination d’un “administrateur provisoire en lieu et place de la gouvernance actuelle de l’IESG et du pôle Guyane” .

A la tête de l’IESG depuis 2010, René Dorville avait, pour sa part, préalablement écrit le 24 octobre dernier, dans une lettre à Geneviève Fioraso dévoilée par Guyane 1ère vendredi (et que Guyaweb  s’est procurée), qu’il ne démissionnerait pas “sous la pression”.

Jeudi 31 octobre, dans un courriel que l’intéressé a adressé à la communauté universitaire des Antilles-Guyane et à des personnalités politiques liées à celle-ci, René Dorville indique qu’il saisira la justice en référé au cas où il serait officiellement démis de ses fonctions, une telle issue lui paraissant “peu motivée” en droit.  “L’inspectrice générale  n’a trouvé aucun problème de dysfonctionnements liés aux dirigeants universitaires” nous a ainsi affirmé René Dorville samedi. Il soutient détenir cette confidence de l’inspectrice en personne venue quelques jours en Guyane à partir du 20 octobre.

René Dorville affirme dès lors, dans son courriel du 31 octobre, qu’il se trouvait “sereinement en attente du rapport” de ladite inspectrice générale  lorsqu’il a “appris mercredi”par le biais d’un communiqué de la ministre de l’enseignement supérieur qu’il allait être rapidement écarté de son poste.

 

“Il faut penser à votre carrière…”

René Dorville indique en outre avoir été “contacté par téléphone” ce même “mercredi 30 octobre par un conseiller de la ministre“  qui lui aurait ” demandé une lettre de démission” de ses “fonctions de directeur de l’IESG.” Interrogé par nos soins, M. Dorville répond que l’argument du conseiller de la ministre pour le convaincre de démissionner aura été : “Il faut penser à votre carrière.”

Le directeur de l’IESG assure n’avoir eu “aucune” réaction particulière au moment de cet appel téléphonique empressé  ” car j’avais déjà transmis un mail au directeur de cabinet de la ministre pour lui dire qu’il n’en était pas question”. Explicitement, René Dorville refuse aujourd’hui de démissionner. Il nous l’a confirmé ce samedi.

 

“L’Université des Antilles-Guyane est-elle bananière ?”

D’ailleurs, dans son courrier daté du 24 octobre adressé à la ministre de l’Enseignement supérieur et à celui des Outre-mer, M. Dorville interpellait ainsi ces derniers : “Des membres d’une intersyndicale exigent mon éviction, foulant aux pieds mon statut d’élu (…) l’Université des Antilles-Guyane est-elle bananière ? Doit-on couper des têtes pour qu’elle puisse continuer à fonctionner ?”

Interrogé par nos soins, sur sa vision du mouvement de protestation, René Dorville nous a encore répondu : “Si la revendication principale est  l’autonomie de l’université en Guyane voire plus : une université de Guyane (…) certaines personnes membres de l’Intersyndicale tentent de régler  le compte de certains  collègues avec lesquels ils sont en conflit pour une question de pouvoir , de xénophobie ou pour des questions plus futiles.”

Sollicité sur cet autre épisode venu s’ajouter à la crise, René Dorville a tenu à se démarquer des saillies de Raphaël Confiant (voir notre article du 14/10) en indiquant sur le sujet : “Tout propos tendant  à  la généralisation est condamnable en particulier quand il s’agit de racisme”.

 

Dysfonctionnements ? “Une généralisation grossière”

Quant aux dysfonctionnements pointés du doigt par les grévistes, M. Dorville les considère montés en épingle. Les enseignements pas tous assurés  ? “‘C’est une généralisation grossière. L’année dernière, il y a eu des problèmes dans deux diplômes. La licence biologie, biochimie et biotechnologie  dans laquelle un enseignant vacataire s’était désisté au dernier moment. Le temps de trouver un remplaçant (…) il y a eu un peu de retard”. Il admet un “second cas plus grave “ concernant “14 enseignements”. En cause, selon lui, des “congés maladies d’enseignants et des départs en février (dernier) d’enseignants mutés à Wallis ou en Nouvelle Calédonie. Nous avons réussi néanmoins à dispenser 11 enseignements sur 14″ assure-t-il.  Et l’intéressé de conclure sur ce volet : ” l’administration de l’IESG ne souffrirait pas autant à chercher des enseignants  si nous avions beaucoup plus d’enseignants titulaires.”

Et concernant les cours le soir en l’absence de transport public interurbain après 19h30 ? Là encore René Dorville minimise l’ampleur du phénomène, chiffes à l’appui : “95 % des enseignements sont dispensés entre 8h (le matin) et 18h.” De fait, selon lui seuls : “5% des enseignements sont dispensés entre 18h et 20h.” Il n’oublie pas d’ajouter que ce transport public est du ressort “du conseil général”.

 

“Depuis 2007, il n’y a pas eu de création de poste“.

L’intéressé ne conteste toutefois pas cette incongruité : il n’y a pas de licence d’espagnol dans son université française d’Amérique du Sud. Le directeur de l’IESG l’explique par “un choix de l’ancien tandem à la direction” précisant, pour sa part, n’avoir été élu que “le 10 juillet 2010″. Il avance une explication : “Je pense que ce choix a été fait car à l’IESG il n’y a pas d’enseignants titulaires en espagnol. C’est une des conditions nécessaires pour que le ministère autorise cette ouverture de diplôme (…) Le gros souci en Guyane , c’est le manque de postes. Et cela génère de très grosses tensions entre les collègues.” René Dorville glissant même : “Depuis 2007, il n’y a pas eu de création de poste.”

 

Appel à la mobilisation de la majorité silencieuse

Le directeur de l’IESG désavoué au sommet de l’Etat, en appelle désormais à la mobilisation de ses  ” collègues de l’Université” afin  “de faire respecter l’Autonomie et la Démocratie Universitaire” a-t-il encore écrit dans son courriel du 31 octobre largement diffusé.

Autrement dit, selon lui, en quelque sorte, la majorité silencieuse (dont il aura été un fidèle représentant jusqu’à son éviction annoncée, de fait, par la ministre) serait bien inspirée désormais de faire entendre une voix dissonante. “La grande majorité des enseignants, des administratifs et la quasi-totalité des étudiants ne soutiennent pas ce mouvement car ils savent que derrière des revendications légitimes, certains membres de l’Intersyndicale cherchent uniquement à nuire à certains de leurs  collègues.  Tout universitaire doit se sentir mal à l’aise lorsque le principe d’autonomie et de démocratie universitaire est violé” déclare aujourd’hui M. Dorville qui affirme encore : “Sur 1884 étudiants de l’IESG, 30 sont grévistes principalement de la filière biologie”

 

La grève se poursuit… jusqu’à quand ?

Mercredi, jour des propositions de la ministre, jugées insuffisantes par le collectif protestataire, l’assemblée générale qui a décidé la reconduite la grève avait, pour sa part, rassemblé de “80 à 100 personnes, c’est le noyau dur” indiquait alors Laurent Linguet, maître de conférence à l’Université et aussi l’un des chefs de file du mouvement de protestation.

“Même si tous les étudiants grévistes ne sont pas sur le piquet de grève durant ces vacances, certains habitant Macouria ou ailleurs, la mobilisation est intacte. Une centaine de personnes répond chaque soir aux animations proposées : conférences, animations culturelles etc” nous déclarait encore Laurent Linguet mercredi. Le collectif avait lancé, ce jour-là, un appel à la mobilisation de la population, lundi 4 novembre jour de rentrée scolaire. Quant à savoir si le mouvement pourra effectivement compter sur une nouvelle mobilisation lycéenne lundi, M. Linguet restait prudent : “On verra…” commentait-il encore mercredi.

Samedi soir sur le même sujet, Laurent Linguet affirmait ne pas avoir “davantage d’assurances” quant à une nouvelle mobilisation lycéenne. “Nous les laissons se déterminer” a-t-il indiqué.

La veille, vendredi en fin de soirée, dans un nouveau communiqué, le collectif des grévistes exigeait une “université de plein exercice pour  la rentrée 2015″ , un “calendrier” et des “engagements précis ” sur les “moyens” notamment “humains” qui seront mis en œuvre.

 

Branle-bas de combat à la préfecture

Du côté des autorités, on s’affaire pour tenter de dénouer la crise avant la rentrée scolaire de lundi. Une réunion entre élus, autorités de l’État et grévistes était organisée ce samedi. Une autre est prévue en préfecture dimanche matin. “On bute toujours sur deux points : la date de la création d’une université de plein exercice en Guyane et les modalités de cette création” estimait Laurent Linguet samedi soir. Avant de préciser : “sur la date de création, les autorités proposent la rentrée 2017 quand nous exigeons une création à la rentrée 2015. Quant aux modalités de sa création, les autorités proposent une ordonnance en vertu de la loi de 2013 alors que nous voulons une création par décret.”

De son côté, René Dorville, pense-t-il que l’université de Guyane ait vocation à devenir à terme une université de plein exercice ? ” C’est une question qui fait l’unanimité.” répond l’intéressé. Avant de nuancer un tantinet son propos : ” Oui mais université -de plein exercice ou pas- doit de toute façon rimer avec qualité. Les vraies questions sont de savoir avec quel projet ? quels statuts ? Quels moyens  financiers et humains ?  quand ? “

En l’état, selon un rapport de la Cour des Comptes sur l’UAG sorti cette année (et portant sur les exercices 2005 à 2010), la Guadeloupe serait  le pôle le mieux doté parmi les trois des Antilles-Guyane, en nombre d’enseignants quand le pôle universitaire de Guyane, même proportionnellement, demeurerait le parent pauvre.  René Dorville tempère  : ” Les chiffres sont mal utilisés et parfois les comparaisons sont mauvaises ou partiales.” Selon le directeur de l’IESG, ce qui différencie le pôle Guyane des pôles de Guadeloupe et Martinique, c’est d’une part : ” le manque chronique de professeurs d’Université qui sont les garants d’une Université de qualité (directeur de laboratoire, encadrant de doctorants, porteur et responsable de Master)”. Et d’autre part : ” une proportion trop importante de collègues du secondaire vacataires  qui font le double d’heures d’enseignement mais pas de recherche.”

Sans comptabiliser les étudiants en formation continue, selon les chiffres de l’Université de Guyane, au 30 septembre dernier, sur les 2566 étudiants inscrits sur l’ensemble du département, l’IESG recensait 1 884 étudiants inscrits pour 508 à  l’IUFM, 98 à l’IUT de Kourou et 76 pour l’antenne de l’IUT de Kourou sur Cayenne 

SOURCE : GUYA.WEB